Les essais Moto Pulsion

Comparatif Triumph RS 900 - Aprilia 1000 Falco

Angleterre/Italie ... Match à risque !

Jusqu’en 1999, c’est la Honda 800 VFR qui maîtrisait le mieux cette alchimie complexe qu’est l’art du sport-GT. L’arrivée de la Triumph Sprint ST, l’an passé, a ébranlé la VFR car elle offrait les mêmes prestations en termes de tenue de route et ajoutait un atout maître: le caractère magique de son trois cylindres à bas et mi-régimes. Cette année Triumph enfonce le clou et nous présente la Sprint RS. Si l’Aprilia RSV 1000 avait pour objectif de taxer les Ducati 996 et autre Suzuki TL 1000 R, l’Aprilia SL 1000 Falco se veut plus polyvalente pour mériter son ticket d’entrée dans la catégorie des routières sportives. Qu’en est-il vraiment? Opposition directe sur le terrain de nos deux représentantes: la Triumph Sprint 900 RS et l’Aprilia SL 1000 Falco.

Par André Peigneur
Photos Alain Smal

Une Sprint ST délurée
La Triumph Sprint RS, dérivée de la Sprint ST, s’affirme visuellement: plus sportive, plus agressive et un temps soit peu plus délurée, le look de la moto a gagné en caractère. Le moteur est identique, mais les partie-cycles sont distinctes, voila ce qui différencie les deux versions. Carénage de tête de fourche plus court, bras oscillant classique (au lieu du monobras de la ST), instrumentation plus sommaire et hop! Conséquences directes... 8 kg et 34.000 frs de moins; déjà deux bonnes nouvelles. Le moteur trois cylindres, qui reçoit une nouvelle couleur grisée, et est à présent à l’air libre, mais reste enchâssé dans un classique cadre périmétrique peint en noir. On ne peut que le regretter, car cette teinte tend malheureusement à adoucir la ligne, le gris de la ST lui allait si bien. La Sprint RS adopte une toute nouvelle instrumentation mixte (la même que sur la TT 600): analogique pour le compte-tours et digitale pour le compteur, les kilométriques total et partiels ainsi que la température moteur. A noter que la jauge à essence de la ST disparaît. Au niveau des autres différences ST/RS, les clignotants avants ne sont plus intégrés au carénage mais proviennent de la Daytona. Le garde-boue avant ainsi que les rétroviseurs sont inédits. Bien sûr, on pourra reprocher à la RS l’absence de béquille centrale et de poignées de maintien passager et les maigres solutions d’arrimage des bagages sur la selle arrière, dotée d’ailleurs d’un sympathique dosseret tendance très sport, mais ce serait faire fit de l’initiative de Triumph, qui emboîte le pas de BMW en matière d’options et d’accessoires et propose une moto que l’on équipe à la carte. Certains achèteront la béquille centrale où la poignée de maintien passager, d’autres privilégieront l’esthétique en équipant leur RS du sabot moteur. Une façon de ne rien imposer, de tout proposer et d’ajouter encore un peu plus de polyvalence à cette machine. Ces options comprennent: une béquille centrale, une prise électrique, des poignées chauffantes, une selle chauffante, un garde boue arrière en carbone, des protections carbones diverses, un porte-bagages, un top-case, un sabot moteur, un raton laveur, des poignées passagers, une alarme, un silencieux spécifique, une sacoche réservoir ainsi que des sacoches cavalières.

Une RSV 1000 adoucie
Mais comment rendre plus conviviale cette RSV. Simple: vous prenez un cadre et un bras oscillant en alu un peu moins complexes et moins chers que les originaux, vous y greffez un moteur moins puissant, mais mieux rempli, que vous mettez en valeur grâce à un carénage plus discret. Soignez la position de conduite et la protection à l’aide d’une bulle haute et tirez les prix pour affronter la concurrence: c’est prêt! A la place de votre réplica se tient une sport-GT. Dessinée au bistouri, l’Aprilia SL 1000 revendique une forte identité esthétique. Ses traits alternent lignes acérées et formes galbées. Le demi-carénage laisse éclater au grand jour son superbe cadre dédoublé. Le style est moderne, élancé et laisse présager un tempérament de feu. RSV et SL 1000 partagent la même base moteur. Ce dernier conserve son système PCC (Pneumatic Clutch Control) qui empêche le dribble lorsque l'on rempile rapidement les vitesses. La programmation de l’injection a été revue afin de privilégier le couple et la rondeur. Le taux de compression passe aussi de 11,4 à 10,8 et le volumineux échappement deux-en-un laisse la place à une double sortie plus esthétique. Afin de garder toute sa pêche au V2 lors des accélérations (il perd 10cv pour en développer 118), la démultiplication finale a été raccourcie. Si les dimensions externes restent quasi identiques, la position de conduite a été modifiée: les reposes pieds sont moins hauts, les guidons sont plus relevés et la selle a été abaissée d’un cm (mais elle reste haute). Enfin une bulle plus haute devrait améliorer sensiblement la protection. Le passager bénéficie de poignées de maintien. La fourche ne change pas, mais l’amortisseur arrière, un Sachs, n’est plus réglable en compression (il perd aussi 5 mm de débattement). Exit également l’amortisseur de direction. Afin d’améliorer la maniabilité, le pneu arrière passe de 190 mm à 180 mm. Le tableau de bord, digne d’un avion de chasse, est emprunté à sa frangine et offre au regard une multitude d’informations: led de régime programmable, chrono, horloge de bord, température moteur, témoin de béquille latérale; tout y est... sauf une jauge. Au final, on n’a pas du tout l’impression d’hériter d’une version "cheap" de la sportive vedette d’Aprilia, bien au contraire.

Maniabilité perfectible
Pour mettre en valeur la polyvalence et les qualités respectives de nos deux machines, quoi de mieux qu’un itinéraire varié; de la ville en entrée, un peu d’autoroute avant d’en découdre sur les merveilleuses routes que nous réserve le réseau secondaire. La Triumph Sprint RS offre une grande facilité de prise en main, presque déroutante. A peine monté sur la moto et on est comme chez soi. La position de conduite est naturelle: appui presque nul sur les poignets, selle moelleuse et basse, impec! Les commandes, aux standards japonais, sont précises et douces. Seul le levier d’embrayage est perfectible: non réglable, il est trop écarté de la poignée pour le rendre agréable à l’usage. Première. Ce moteur est déjà un délice: dès les plus bas régimes il vous tracte sur un filet de gaz. Ensuite il vous donne l’impression d’être en prise directe avec la poignée de gaz. La moindre rotation se traduit par une poussée franche et une sonorité grondante. Magique! Le couple et la disponibilité du trois cylindres font des merveilles. Dans les embouteillages, la maniabilité est bonne, mais le rayon de braquage nous le confirme: s’il est en progrès, il reste dans l’absolu juste passable.
L’Aprilia SL 1000 est moins à l’aise en ville. La hauteur de selle élevée et la position typée sport (repose pieds situés plus haut et poignets plus en appui) dénotent. C’est quand même moins radical qu’avec la RSV 1000, dont elle est dérivée, mais le confort de selle sommaire et la commande d’embrayage ferme rappellent que son terrain de jeu est ailleurs. Heureusement, les suspensions souples en début de course sont confortables à allure réduite. Le rayon de braquage est acceptable et le V2 reprend sans rechigner à partir de 2.500 tr/mn, plutôt bien pour un bicylindre. On est cependant loin de l’onctuosité de la RS. Prenons notre mal en patience et attendons que l’horizon se dégage. Le temps de s’énerver contre des rétros trop petits et nous voila déjà à l’entrée de l’autoroute.

Stabilité rassurante
A haute vitesse, la bulle de la SL 1000 assure au pilote une absence de turbulences sur le casque. Malheureusement, la relative étroitesse du plexi laisse les épaules en dehors de sa protection et limite de ce fait son efficacité globale. Sur long trajet, la fermeté de l’amortissement, tout comme celui de la selle, auront tôt fait de vous convaincre à une pause salvatrice et méritée.
La Triumph Sprint RS joue à nouveau placée. A son guidon, le moelleux de la selle et le confort de suspensions incitent à avaler des kilomètres. Seule l’efficacité de la bulle mettra un frein à votre boulimie. Même constat que pour l’Aprilia: trop étroite, les épaules restent en dehors de sa protection. Nos deux belles sont renvoyées dos à dos. Mais si l’autoroute met en avant les qualités protectrices des machines, elle permet également de mettre l’accent sur leur stabilité en grandes courbes. Nos deux motos assurent sur ce chapitre. Leur comportement, imperturbable, atteste de la rigidité de leur châssis. Pas de louvoiements parasites ni de ruades intempestives, rien que du très rassurant.

Hargneux ou onctueux
Sorti de l’autoroute, dès que le parcours se fait sinueux, l’Aprilia retrouve son terrain de chasse favori et trace sa route à un rythme endiablé. Faisant preuve d’une vivacité peu commune pour sa cylindrée, la SL 1000 se la joue sportive. Il est vrai que la fougue du V twin à 60° aide grandement les choses. A ses commandes, le pilote cherche avant tout a profiter des envolées magiques du moteur. Un peu creuse en bas, mais transcendée au passage des 6.500 tr/mn, hargneuse, rageuse, la mécanique de l’italienne est très vive et franche dans ses montées en régime. Elle met à mal la pauvre diode qui indique le changement de rapport à l’approche de la zone rouge; à trop jouer dans les tours, celle-ci clignote sans arrêt. Et question musicalité, notre twin n’est pas en reste. Le pilote profite pleinement du grondement rauque produit par l’admission à chaque ouverture des gaz et qui est encore amplifiée par la résonance du réservoir. Un bonheur pour les amateurs, un vrai spectacle son et lumière. Pour s’arrêter, l’Aprilia peut compter sur un freinage puissant et parfaitement dosable, secondé brillamment par un frein moteur efficace. Ni dribble, ni blocage intempestif ne sont à craindre grâce au découplage partiel de l’embrayage lors des phases brutales de rétrogradage. Le châssis rigide, associé à des suspensions tarées dures, mais limitant très bien les transferts de masse parasites, offrent à la SL 1000 une tenue de route de haut niveau. Mais n’hésitez pas à contre-braquer, sortir une fesse au freinage et ouvrir la jambe à l’entrée du virage et alors il sera bien difficile de rivaliser en termes de vivacité avec la belle italienne bien excitée. Bref, vous l’avez compris, l’Aprilia SL 1000 se pilote. Mais on est loin d’une conduite instinctive telle qu’on peut la concevoir avec la Triumph Sprint RS!
L’anglaise profite de son coffre, offrant plus d’efficacité que le V-twin en bas. Plus doux, le trois cylindres est le plus prompt à la reprise. C’est d’ailleurs dans le bas du compte-tours que la RS arrache vraiment. Dès 2.000 tr/mn, le moteur procure à la Triumph un élan monstrueux qui ne se brise qu’a l’approche de la zone rouge. A ce couple phénoménal, s’ajoute une sonorité profonde et une présence mécanique fascinante. C’est vraiment un monde à part à essayer une fois dans sa vie de motard. L’agilité de la Sprint RS est diabolique, elle reste totalement neutre en cumulant facilité et efficacité; en plein dans la définition d’une routière sportive, capable de vous promener comme de vous offrir de l’action. A tel point qu’elle rappelle le comportement de certaines 600 sport, avec quelques kilos en plus bien entendu. Quant aux nouveaux Bridgestone BT 020 qui équipent notre machine, franchise et grip à la réaccélération étant au rendez-vous, on se sent totalement en confiance. Malheureusement, si l’agilité du châssis et la sûreté du train avant sont bluffants, on ne peut pas en dire autant de l’amortisseur arrière. Le confort est toujours perfectible sur les bosses, où il a tendance a vous transmettre quelques coups de raquettes. Le freinage est idéal, puissant et progressif avec un bon feeling à la poignée. Certains pourraient lui reprocher son mordant un peu excessif, mais sachez qu’il offre de quoi faire des freinages d’anthologie.

Conclusion
Plutôt accueillante comparée à sa génitrice la RSV 1000, où à d’autres twins sportifs, la SL l’est forcément moins face à une routière avertie. Vraiment enthousiasmante, sur les routes viroleuses à souhait, elle ravit son pilote par des sensations de conduite impressionnantes. La fermeté des suspensions rappelle cependant sur quel type d’engin vous êtes installé.
Aussi à l’aise en ville que sur route défoncée, la Triumph Sprint RS met en avant son extrême polyvalence associée à une très grande facilité d’utilisation. Maniable et naturelle, elle se repose sur son moteur exaltant pour charmer son pilote: les reprises sont tout simplement surprenantes et ce dès les plus bas régimes. Un véritable turbo-diésel hyper vitaminé!
Au final, deux machines très attachantes, mais situées chacunes aux antipodes du segment des routières sportives.

 


 

Trumph Sprint 900 RS

Aprilia 1000 Falco

Fiche technique
Triumph Sprint 900 RS

Moteur: 3 cylindres 4 temps refroidi par eau
Cylindrée: 955 cc
Puissance: 112 cv à 9.200 tr/min
Couple: 9,6 mkg à 6.200 tr/min
Poids à sec: 199 kg

Prix
Importateur: GREENIB B.V.
Oosteinde 34 2361 Warmond NL

Tél: 0031-71301-9292

 

Fiche technique
Suzuki 600 S Bandit

Moteur: 4 cylindres 4 temps refroidi par air
Cylindrée: 599 cc
Puissance: 78 cv à 10.500 tr/min
Couple: 5,5 mlg à 9.500 tr/min
Poids à sec: 208 kg

Prix
Importateur: R.A.D.
Landegemstraat 4 9031 Drongen
Tél: 09/282.94.10