Le bicylindre à caractère sportif est resté longtemps une spécialité italienne, une chasse gardée réservée presque exclusivement à Ducati. Mais, depuis quelques années, lEurope et le Japon se sont lancés dans la bagarre, non sans rencontrer un succès certain. Chacun y va de sa recette personnelle; Moto Guzzi propose une machine motorisée par son traditionnel bicylindre en V à 90° face à la route, Ducati a adopté linjection sur les Supersport, Suzuki propose un système damortissement rotatif original, BMW reste fidèle au moteur Boxer, Laverda séquipe dun twin en ligne et Honda place la barre très haut avec une VTR 1000 particulièrement bien aboutie, dont la principale qualité est sans conteste une homogénéité à tout épreuve. Face à cette fameuse brochette de machines terriblement excitantes, Aprilia se devait de proposer un produit de très haute qualité pour espérer se distinguer. La moindre erreur et la SL 1000 risquait de se retrouver aux oubliettes. Mais, cétait sans compter sur le savoir faire et les qualités hors pair des designers Italiens. Au premier coup dil, lAprilia SL 1000 Falco excite les sens et lenvie denfourcher la belle se fait très vite irrésistible.
Le plaisir des yeux
Avant de donner limpulsion sur le bouton magique appelé starter, prenons le temps de faire le tour de la rouge italienne. Le concept mis en uvre par Honda et sa VTR semble avoir été repris en partie par Aprilia puis amélioré sur certains points. Le demi-carénage, très travaillé au niveau des formes, dévoile un cadre en aluminium et magnésium de type double poutre parallèle, qui enserre au plus juste le bicylindre en V à 60°. De part et dautre de larrière de la moto, des échappements pointent fièrement vers le ciel, reléguant les pose-pieds passager à bonne hauteur. Par contre, si la SL est disponible en version monoplace, la configuration biplace réserve une selle et des poignées bien accessibles au passager. Côté éclairage, le phare avant intègre une triple optique au look agressif. Il est composé de deux feux de route qui encadrent la position code installée au centre. A larrière, le feu est double et surmonté par les poignées passager aux formes anguleuses. Situé juste sous cet ensemble, le porte-plaque supporte les clignoteurs ronds et léclairage de la plaque. Pour terminer, soulignons la forme ergonomique du réservoir de 21 litres en polyester, qui offre une autonomie confortable et qui permet une position de conduite naturelle. Mais, nous nen sommes pas encore là ... prenons le temps de démarrer la bête avant toute chose!
Une sonorité trop sage
Personnellement, japprécie quun bicylindre donne de la voix sur un registre rauque et profond. Malheureusement, les normes actuelles ne permettent plus aux moteurs tant de lyrisme et il faut se contenter dune sonorité quelque peu étouffée, voire même un peu métallique dans le cas de lAprilia. Nul doute que de nombreux accessoiristes proposeront tout prochainement des silencieux adaptables qui laisseront le moteur respirer à pleins poumons.
Un coup dil au tableau de bord électronique emprunté à la RSV mapprend que le moteur est encore froid (Cold) et quil est préférable de le laisser chauffer gentiment sur les quelques premiers kilomètres. Quelques coups de gaz à vide puis jenclenche la première. La moto sarrache vigoureusement sur le premier rapport. La courbe de puissance bien remplie nincite pas, dans un premier temps, à tirer les rapports à des régimes extrêmes. Chaque rotation de la poignée de gaz est transmise de manière très précise à linjection électronique, qui répond avec la souplesse dune alimentation par carburateurs. Un plus non négligeable pour le confort dutilisation, encore renforcé par la bonne souplesse du bicylindre en V à 60°. Cet angle douverture peu courrant permet de produire un bloc compact, mais qui engendre des vibrations corrigées par le système AVDC. Derrière ce sigle, se cache un terme technique: «anti-vibration double countershaft». En fait, pour réduire les vibrations, le moteur de la SL 1000 est équipé dun double contre-arbre déquilibrage. Le balancier principal tourne dans le sens opposé du vilebrequin, pour équilibrer les forces primaires, tandis que le second balancier, logé dans la culasse du cylindre arrière, corrige les vibrations induites par le premier. Côté technologie encore, la SL hérite du «Pneumatic Power Clutch» qui a vu le jour sur la RSV. Ce système a la charge de faire patiner lembrayage lors des phases brutales de rétrogradage pour éviter les blocages de la roue arrières dus au frein moteur. Ce qui nous amène tout naturellement à vérifier que lappellation routière sportive nest pas usurpée.
Un caractère brillant
Si la base moteur, dérivée de la RSV, a été un peu adoucie, la perte de 10 cv ne se fait pas réellement sentir. Menés de manière plus musclée, les 118 cv de cette Aprilia font parler la poudre et elle gratifie son pilote daccélérations qui peuvent même parfois se montrer brutales. Il est impressionnant de pouvoir passer dun style de pilotage tout en douceur à un rythme très soutenu sans que la moto ne se montre rétive à aucun moment. La partie-cycle semble pouvoir tout encaisser sans broncher. Bien entendu, on ne retrouve pas la vivacité exacerbée qui caractérise la RSV, mais la SL sait faire preuve dun comportement sportif au-dessus de tout soupçon. Que ce soit dans les enchaînements serrés ou en grandes courbes, la fourche inversée Showa de 43 mm de diamètre et le mono amortisseur Sachs à larrière autorisent une franche attaque sans la moindre arrière pensée. Le tout est secondé par une monte pneumatique (Metzeler MEZ 3) qui correspond bien à la philosophie de la moto. Même sur route humide ou mouillée, ils offrent un bon feeling de ladhérence. Attention cependant, car dans ces conditions, le gros couple du bicylindre peut générer quelques décrochages de la roue arrière, si lon ne manie pas la poignée de gaz avec délicatesse. Côté freinage, pas dartifices, rien que du sérieux: double disque Brembo de 320 mm avec étriers 4 pistons pour lavant et simple disque de 220 mm, étrier 2 pistons pour larrière. Lensemble permet des freinages impressionnants tout en gardant un très bon feeling au levier. On pourra juste reprocher un manque de mordant pour le disque arrière, mais vu lefficacité du frein moteur, il vaut mieux ne pas trop insister sur la pédale. On le voit, grâce à son comportement routier de la SL 1000 est propulsée demblée au niveau des divas de la catégorie.
Encore plus loin
La «routière sportive», cest la moto de tous les compromis. Elle doit offrir de bonnes performances tant au niveau châssis que moteur, elle se doit dêtre efficace côté freinage et en plus, elle doit être capable de ménager le pilote et son passager. Tout cela relève dune alchimie délicate quAprilia a su mettre en uvre avec doigté. La bulle protège correctement le haut du corps, les genoux trouvent refuge dans les échancrures du réservoir et le demi-carénage offre une bonne protection. Mais, là où la SL surpasse vraiment la concurrence, cest au niveau de lattention portée au confort du passager, qui dispose dune véritable paire de poignées de maintient et dune selle correcte. De plus, les sensations offertes par le moteur et la précision de la partie-cycle en font une arme redoutable dans la plupart des conditions de roulage. Comme on le voit, Aprilia a su reculer les limites du concept routière-sportive et la nouvelle SL 1000 risque bien de tailler des croupières à ses rivales. Il lui faudra cependant confirmer ses prétentions lors dun prochain comparatif, ce que nous ne manquerons pas de vérifier.
|